CHAPTERI 1) Le bonheur n'existe pas. 2) L'amour est impossible. 3) Rien n'est grave. (c)Beigbeder

Enfant, Marshall était un enfant plein de vie, courant à droite à gauche, fatiguant ses parents à toujours leur réclamer des câlins, des histoires, des cadeaux à Noël. Ses parents étaient ses héros et il avait une tendance fâcheuse à leur attribuer toutes les qualités du monde. Sa mère douce, attentionnée, aimante, était le stéréotype de la femme parfaite qu’il rêvait d’avoir quand il serait grand. Surement un reste de son complexe œdipien qui l’aveuglait encore à l’époque. Son père, en revanche, était le guerrier vaillant qu’il s’imaginait être plus tard. Imitant chacun de ses faits et gestes, et répétant souvent ses phrases après ce dernier, il ne fallait pas être devin pour s’apercevoir que Marshall rêvait de devenir le grand homme qu’était son père. Tout se passait alors encore à merveille dans la famille Hartley.

De cette époque, Marsh se souvient également, qu’il adorait voir ses parents venir le chercher à la sortie de l’école. Sans pouvoir se l’expliquer à lui-même à cause de son jeune âge, il ressentait une fierté inexplicable lorsqu’il les voyait souriant, main dans la main, attendant sagement le fruit de leur amour. Et il se surprenait même parfois à les regarder quelques secondes avant de foncer vers eux pour leur faire un câlin à trois, son sac batman sur les épaules. C’était surement stupide, mais Marshall trouvait qu’il ressemblait à l’icône parfaite du jeune couple amoureux, contrairement aux parents de ses camarades qui étaient pour la plus part, divorcé ou séparé. Il était conscient de sa chance et il adorait rendre ses copains jaloux ou envieux.

Toutefois, comme tous les bonheurs finissent un jour par périr dans les limbes, ce bonheur là n’en a pas été l’exception. Et ce jour-là, Marshall s’en souviendra toute sa vie parce que c’est ce jour-là où il a compris ce qu’on ressentait lorsqu’on parlait de déception. En effet, un jour, sans que Marshall n’en comprenne le pourquoi du comment, son père a cessé de venir le chercher. Plus absent que d’habitude, il sentait bien que sa mère tentait de faire face et d’éviter les questions de son fils. « Il travaille beaucoup mon cœur. » « Il a téléphoné tout à l’heure mais tu dormais. » « Il revient bientôt. » « Il revient demain. » Mais à force d’excuses et de mensonges répétés, Marshall n’avait pas besoin d’être un génie pour savoir que son père ne rentrerait pas le lendemain, ce qu’il ne fit évidemment pas.

CHAPTERII Il y a des personnes qui marquent nos vies, même si cela ne dure qu’un moment. Et nous ne sommes plus les mêmes. Le temps n’a pas d’importance mais certains moments en ont pour toujours. (c)Bork

Cette petite bouille d’ange a marqué la vie de Marshall. En bien, en mal, il ne l’a jamais vraiment su. Peut être les deux au fond. Elle s’appelait Pearl, ne disait pas un mot et se contentait d’hocher la tête lorsqu’on venait à lui parler. Du haut de ses 5ans, Pearl attendrissait Marshall comme un grand frère voulant protéger sa petite sœur. Ainsi, le courant est toute de suite bien passé entre eux, même si Marshall se posait énormément de questions lors de l’arrivée de Pearl dans la famille. Des questions que tout enfant de son âge aurait posées à ses parents. Des questions qui suscitaient de savoir ce qui se passait derrière le décor que venait de planter son père.

De cette scène, il ne se souvient plus de tous les détails. Il se souvient encore s’être levé ce matin là et d’avoir été directement vers sa mère pour lui dire bonjour en la prenant dans ses bras. Puis il se souvient s’être assis et avoir attendu qu’elle lui serve son petit déjeuner avant de prendre la parole. « - Maman, Pearl, c’est les extraterrestres qui nous l’ont amené ? » L’imagination de Marshall était encore débordante à cette époque, et il restait encore très attaché à ses proches, heureux d’avoir pu retrouver sa famille en un seul morceau. « - Non mon chéri. Pourquoi tu poses cette question ? » La tendresse de sa mère avait toujours eu le don de le faire sourire, et il se souvient très bien l’avoir vu prendre place à ses côtés pendant qu’il dégustait tranquillement son déjeuner préparé avec amour. « - Je ne sais pas, t’a pas eu un ventre tout rond. La maman de Paul, elle avait un ventre tout rond en attendant sa sœur. Et sa sœur, je te jure, elle est trop moche. Toute petite. Rose avec des grosses joues. Et puis, elle pleure tout le temps, c’est chiant. » Il avait réussi à faire rire sa mère, un rire qui n’habitait plus vraiment les pièces de cette maison depuis plusieurs mois. « - C’est vrai. Mais non, les extraterrestres ne nous l’ont pas rapporté, … » Elle avait posé son doigt sur les lèvres rosés de Marshall, puis esquisser un tendre sourire sur les siennes. « - … ni les cigognes non plus, ni la compagnie d’Arthur et de ses mimimoys, et tu peux oublier aussi oublié Jimmy Neutron mon ange. Ta sœur a tout simplement perdu ses parents, alors on l’a accueilli ici parce que ton père savait qu’on serait lui donner tout l’amour dont elle a besoin pour son jeune âge. Et comme je suis persuadée que tu l’aimes déjà, tu n’as pas besoin de te poser plus de questions. Elle est ta sœur dans ton cœur, c’est suffisant. » La suite de leur discussion, Marshall ne s’en souvient plus.

En revanche, il se souvient très bien avoir ensuite été prendre soin de Pearl. Ce qu’il faisait d’ailleurs chaque jour, jusqu’à ce qu’elle commence à s’ouvrir à eux. Au fil des jours, Pearl et Marshall devenaient de plus en plus complice, s’amusant d’un rien sans pour autant faire des bêtises. Ils s’inventaient des histoires, partaient ensemble dans leur imagination. Et leur complicité a toujours tenu le coup, jusqu’à ce que Marshall se rende compte que la famille qu’il croyait souder depuis le début, n’était qu’en fait, une grosse mascarade.

CHAPTERIII Les rêves semblent vrai tant qu'on est dedans ce n'est qu'au réveil qu'on remarque ce qu'ils avaient d'étrange. (c)Inception

Le retour à la réalité fut violent. Une gifle imaginaire prise en pleine figure, une douleur inexplicable. Une descente dans le grand slapsh, sauf que ce ne fut même pas marrant, ni même éclaboussant. Ce fut juste dépitant et blessant. C’est à partir de cette époque que Marshall a commencé à prendre ses distances avec sa famille. L’icône du couple parfait qu’il admirait tant et vite passé aux oubliettes, sans même essayer de garder encore un peu de sa splendeur. Pour simplement laisser place à une icône terne et déprimante du même couple.

Durant les quelques mois qu’à durer l’absence de son père, Marshall et sa mère s’étaient beaucoup rapprochés, sa mère se confiant énormément à son enfant. Surement pas une des meilleures idées qu’elle ait eu dans sa vie mais Marshall avait l’impression de se sentir spécial à ses yeux. Il était son petit angelot, et personne ne pouvait venir entraver leur relation. Sauf bien évidemment le retour de son père avec Pearl, et Marshall a eu beaucoup de mal à s’adapter à la rupture brutale du cordon ombilical. Façon de parler, mais du jour au lendemain, les discussions entre les deux protagonistes se sont vues réduites à néant. Ce ne fut simplement qu’une déception de plus qui n’affecta pas forcément le jeune Marshall au moment des faits mais qui l’affection par la suite.

En revanche, une chose qui l’a beaucoup affecté et qui l’affecte encore aujourd’hui fut la relation qu’entretenait son père avec Pearl et qu’il entretient d’ailleurs toujours. Plus soucieux de Pearl à cause des événements qui ont affecté sa vie, Marshall a toujours vu d’un œil jaloux la complicité qui reliait Pearl et Georges. Et bien que Marshall ait toujours tenté de montrer sa présence et de rechercher la fierté de son père, il sait très vite rendu compte que la seule fierté qu’il pouvait acquérir était la sienne.