« Il y aura toujours quelque chose pour détruire nos vies, la seule question est qu'est-ce qui va nous tomber dessus en premier, on est toujours au bord du gouffre . ... »Énième visite chez le médecin pour maman qui était bien trop malade pour venir et qui ne parlait de toutes façons pas un mot de notre langue. Ce médecin ne parlait pas un mot de Russe alors je me présentai à sa place pour prendre l'ordonnance de ses traitement. La salle d'attente était bondée, ça piaffait d'impatience, ça m'exaspérait tellement. Il m'arrivait parfois de me mettre en colère, n'importe qui réagirait de la même façon, voyant ces gens se plaindre sans cesse. Une petite heure plus tard c'est l'heure pour moi, j'entrai dans le cabinet sobre légèrement vieilli par le temps. J'expliquai la situation de ma mère, la dégradation de sa santé et de son moral aussi. Elle souffrait, oui elle souffrait, les traitements lourds qui lui bouffaient le foie, la rendant plus elle même, elle avait perdu ses cheveux, les médecins s'amusaient avec elle, testaient de nouveaux traitements, l'acharnement thérapeutique sans cesse, on n'en peut plus et surtout plus elle. Il me proposa une place dans un centre de fin de vie « Hors de question ma mère n'ira jamais la bas, vous m'entendez ? Jamais !» Il aurait fallu me passer sur le corps pour la mettre dans ses mouroirs, elle resterait avec moi jusqu'à la fin. Le médecin finit par me prescrire son nouveau traitement pour atténuer toutes ses douleurs me disait-il. Ca se voyait qu'il ne l'a voyait pas se tordre de douleur dans le lit, pleurer toutes les larmes de son corps, non, lui était juste la assis dans son fauteuil bien confortable en cuir alors que ma mère était allongée dans un vieux lit entrain de mourir petit à petit. La réalité était tellement douloureuse, si douloureuse... Je rentrai à la maison doucement, maman dormait. Je lui préparai alors un petit repas, je savais qu'elle n'avalait pas grand chose mais je lui préparai un repas normal pour lui faire envie, même un tout petit peu. Il devait être 11h00 quand j'entendis des pleurs, je me dirigeai vers maman qui souffrait encore une fois. Je m'installai à coté d'elle et lui pris une de ses mains doucement.
- Maman ne pleure pas ! Tu as déjà appuyé sur ta pompe à morphine ?Oui les médecins lui avaient installé ça pour qu'elle se puisse se délivrer elle-même une dose d'anti-douleurs quand elle le souhaitait, mais elle était toujours très restreinte par les horaires entre chaque prise.
- Aaron ? Je n'en peux plus, c'est tellement dur, Aaron j'ai assez lutté, ne me laisse plus souffrir encore, je t'en supplie.Je n'ai pas compris tout de suite, j'étais là, à coté d'elle, en train de lui mettre doucement de l'eau sur le visage à l'aide d'un linge humide, mes yeux remplis de larmes.
- Maman sois forte ! Pour moi.Elle me regardait droit dans les yeux à cet instant, ses joues trempées par les larmes et son front abimé par la douleur.
- Laisse moi partir... Aaron, mon ange.Je venais de comprendre, elle me demandait de la laisser partir, de la laisser mourir... Mais je ne pouvais pas, non, maman, pas elle, ce n'était pas encore l'heure, ce n'était pas son heure, jamais. Des larmes encore et encore le long de mes joues, elle me serra dans ses bras, elle essaya, je sentais qu'elle n'avait plus de force.
- Maman... Non tu n'as pas le droit, j'ai besoin de toi, encore …- Je viellerai sur toi.Je marmonnais des mots qu'elle ne pouvait pas comprendre, elle ne comprenait pas l'anglais et je lui parlais toujours en russe. Je pleurais tellement, mes mains tremblaient et une colère soudaine m'envahit.
- Non maman je n'arrive pas à y croire à tout ça et tu le sais, maman tout ça c'est pour que les gens se réconfortent à croire que les morts veillent sur nous, les morts disparaissent une fois pour toutes, et à jamais....Son regard à cet instant me fit frémir, dans ses yeux, la délivrance, son visage détendu d'un seul coup, je regarde alors la pompe à morphine, le cran de sécurité était cassé et la pompe était vide. Elle allait en mourir je le savais, le médecin m'avait prévenu et j'étais infirmier. Je la secouais alors doucement.
- Maman qu'es-ce que tu as fait ?Elle commençait à fermer les yeux, lentement. Je ne voulais pas, non pas maintenant, j'allais avoir 18 ans dans quelques jours. Je ne voulais pas, pas maintenant...
- Maman reste éveillée s'il te plait, tu n'as pas le droit de partir comme ça, pas maintenant.- Tu prendras..... soin de toi, je t'aime. Si tu m'aimes mon ange, n'appelle pas les secours, tu sais que c'est la fin pour moi et je ne veux pas mourir dans un hôpital.Le téléphone portable juste à coté du lit, j'hésitais. Je ne pouvais pas laisser faire ça, je m'en voudrais jusqu'à mon dernier souffle, mais elle souffrait tellement, elle n'en pouvait plus, elle avait été une maman formidable avec moi. Tant d'amour, pas beaucoup d'argent, un père absent mais une mère présente. Je savais que je devais la laisser faire son choix. Je restai alors là, dans ses bras, écoutant son cœur ralentir doucement, doucement... jusqu'à son dernier souffle. Mes larmes ne cessèrent de couler.
- Maman ? Maman ? Maman …... Je t'aime !C'était la fin, je la reposai lentement sur le lit, son visage si serein, sans douleur, sans peine. Alors oui, elle devait être au pays des anges maintenant.
U.C